vendredi, août 11, 2006

Resident Evil 4... Renaissance, évolution, régression ?


Cet article a été originellement publié sur le site Planet Jeux.
A la manière d’un uppercut expédié par The Rock, Resident Evil 4 est capable de sévèrement calmer les esprits les plus excités et permettre ainsi une réflexion forcée sur un média qui perd parfois de vue l’essentiel.
Depuis ses débuts sur PlayStation en 1996, la série Resident Evil a su se réapproprier des codes vus non seulement dans les jeux vidéo (on pensera au méconnu Sweet Home ou au Alone in the Dark français) mais aussi dans le cinéma et la littérature fantastique. D’une certaine manière, elle fut l’une des premières à avoir opéré une fusion réussie entre jeu vidéo et le 7ème art sans tomber dans le bourbier du «film interactif», terme à la mode dans les mid-90’s. L’apport de Resident Evil ne s’arrête cependant pas là puisqu’il est également l’instigateur d’un genre entier (ou plutôt d’un sous-genre en réalité) : le Survival Horror dans lequel se sont engouffrés par la suite, avec plus ou moins de bonheur, de nombreux autres développeurs.
En ré-explorant le mythe de la maison hantée avec une esthétique rappelant parfois The Fall of the House of Usher (La Chute de la Maison Usher) et le mélangeant à un cinéma d’horreur plus moderne et iconoclaste dont les clins d’œils les plus évidents vont à The Night of the Living Dead (La Nuit des Morts-Vivants) et à Evil Dead, le véritable trait de génie du créateur Shinji Mikami fut d’ajouter une touche finale à sa recette : des héros et une ambiance directement issue des films fantastiques américains des années 50 car Resident Evil savait faire peur sans tomber dans le glauque et le malsain, il était assurément violent sans être voyeur. Le cocktail final a une saveur totalement inédite, à mi-chemin entre l’horreur sérieuse et viscérale et le fun décomplexé. Malgré l’apparent grand écart, voire la contradiction qui pouvait exister entre ses différentes influences, le jeu ne tombait jamais dans le ridicule.
Au niveau du gameplay proprement dit, le soft optait pour un certain classicisme en s’inspirant nettement des jeux d’aventure PC du début des années 90 dont il adoptait les plans de caméras fixes qui changeaient en fonction des déplacements du joueur. Il s’agissait de progresser en alternant phase d’action, exploration et résolution d’énigmes, le tout saupoudré d’une enquête soutenue par différentes notes éparses qui permettaient au joueur de se reconstituer mentalement la chronologie des événements. Le procédé était malin et l’ambiance suffisamment immersive pour permettre de se perdre à l’intérieur de ses méandres. Après cinq épisodes calqués sur le gameplay établi par le premier, la série nécessitait un petit coup de fouet et de nouvelles directions ludiques. C’était l’objectif premier de Capcom Production Studio 4 et le fil directeur du développement de ce nouvel opus. Car malgré ce que laisse sous-entendre son titre, Resident Evil 4 est en réalité le sixième épisode de la série officielle. Il convient, en effet, de laisser de côté les tentatives annexes d’exploitations de la licence comme Resident Evil : Gun Survivor ou le récent Resident Evil : Outbreak.
Le premier contact avec le jeu est frontal. Il prend aux tripes. Matt Casamassina l’a exprimé mieux que quiconque dans sa très bonne review sur le site CubeIGN : «You don’t own Resident Evil 4. It owns you». Difficile en effet de rester de marbre devant l’ambiance qui se déroule sous nos yeux, la réalisation technique haut de gamme ou encore la nouvelle maniabilité imaginée pour rendre le gameplay plus fluide.
Il convient donc d’attendre que la fébrilité des premières parties retombe pour être en mesure d’analyser «à froid» dans quelle mesure Resident Evil 4 est une renaissance ou une révolution, comme il vous plaira. En fait, il devient difficile de parler du soft comme d’une révolution, à peine est-il une renaissance. Le terme le plus juste serait sans doute «évolution». Au regard des cinq précédents opus, on se rend compte que Resident Evil 4 conserve de nombreux automatismes de ses prédécesseurs (accès à l’inventaire lourdingue, déplacements encore un peu rigides) et globalement un déroulement identique. Il a été tout de même capable d’évoluer afin d’intégrer une composante action beaucoup plus importante (on pourrait presque parler d’un FPS à la troisième personne). La contre-partie étant que la portion «Aventure» jusqu’ici très présente dans la série, l’est beaucoup moins ici. C’est évident lorsqu’on additionne le nombre de documents trouvés relativement peu nombreux et qui fournissent peu de détails sur le background. Enfin, la 3D temps-réel devient vraiment exploitée, notamment par le nombre d’interactions possibles sur le décor via le bouton contextuel A. Resident Evil : Code Veronica, le premier opus en full 3D de la série, se servait des polygones dans une optique qui semble aujourd’hui purement cosmétique.
Il ne faut pourtant pas minimiser l’importance de cette évolution, pas plus qu’il ne faut en déduire que le titre est une déception car c’est loin d’être le cas. En ouvrant son univers à d’autres références cinématographiques et donc esthétiques, en modifiant partiellement, non pas le fond, mais la forme de son gameplay, en puisant son inspiration dans des sources ludiques inattendues (Tomb Raider par exemple) Resident Evil 4 est une photo qui fige une certaine idée du jeu vidéo. Difficile de prendre le titre en défaut sur sa structure, même si on pourra éventuellement lui reprocher une linéarité qui va peut-être un peu à contre-courant des dernières avancées en matière d’action 3D. Difficile également de passer sous silence les traditionnelles contraintes «Resident Eviliennes» volontairement (ou pas ?) imposées par les développeurs. Les principaux reproches qui peuvent être formulés concernent l'obligation de passer par le menu inventaire (et donc de mettre l'action en pause) pour opérer un changement d'arme ou d'item, une focale très proche du personnage qui empêche d’avoir une vue dégagée, une impossibilité de tirer en se déplaçant (pourtant possible dans Dino Crisis une autre création estampillée Mikami), une interaction limitée sur la caméra ou encore l’absence de straffe qui pourra éventuellement se révéler pénible lors de certaines situations tendues.
Bien qu’au regard de la série toute entière Resident Evil 4 soit l’équivalent d’un grand nettoyage de printemps, il est amusant de remarquer que l’adage qui veut que «Survival Horror = jouabilité poussive» a été scrupuleusement suivi par les créateurs. La théorie selon laquelle une maniabilité rêche augmente le sentiment de peur chez le joueur pourra légitimement paraître fumeuse (ça tombe bien, elle l’est). En effet, Resident Evil n’a pas l’apanage d’être un distillateur de peur. Récemment, Doom 3 s’est imposé comme un jeu profondément effrayant tout en s’appuyant sur une maniabilité parfaitement «user friendly» et l’ensemble fonctionne à merveille. Le titre peut être attaqué sur sa répétitivité ou ses parti-pris esthétiques mais certainement pas sur le sentiment d’effroi qu’il arrive à suppurer. Difficile alors de trouver une justification au parti-pris «has been» de Capcom.
Elément étonnant du jeu de Shinji Mikami, le rapprochement avec une autre série : Metal Gear Solid. L’influence exercée par Hideo Kojima est évidente, presque omniprésente dans la nouvelle création de Shinji Mikami. Les «conversations Codec» sont le premier indicateur, mais cela se sent surtout à travers le parti-pris très cinématographique du jeu, beaucoup plus flagrant que précédemment. De Assault on Precinct 13th à The Texas Chainsaw Massacre en passant par Invasion of the Body Snatchers, Deep Rising ou encore The Lord of the Rings Trilogy, la somme des clins d’œils présents dans Resident Evil 4 est assez colossale. On aurait presque l’impression que les développeurs en ont fait volontairement des tonnes : «Nous aussi on sait faire des jeux bourrés de références cinématographiques !». C’est évidemment caricatural mais il faut reconnaître que l’addition a tendance à être exagérée. Ce n’est pas nécessairement un point négatif puisque le titre a un côté très potache, très décontracté. Resident Evil 4 est orgasmique en toute occasion. Difficile en effet de rester de marbre devant la variété de l’aventure et l’intensité des scènes d’action. Certains passages sont assurément des pinacles dans la mythologie des jeux vidéo. Car Resident Evil 4 n’oublie jamais qu’il est un jeu. C’est son essence constituante et sa plus grande qualité.
Resident Evil 4. GameCube. Développeur(s) : Capcom Production Studio 4. Editeur : Nintendo.

1 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Après le premier Resident Evil, celui de Shinji Mikami, Hideki Kamiyaqui a pris la suite et a trop fait écarté la série du concept initial, c'est-à-dire la peur, pour privilégier l'action. SNIF

7:34 PM

 

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